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    Il est vingt heures. Elle a reçu une invitation étrange. Rendez-vous à vingt heures à l'auberge du lièvre amoureux. Prévoir de rester la nuit.

    Elle a un peu hésité, pas longtemps. Demander la table bleue. Le maître d'hôtel savait. Il l'accompagne jusqu'à une table dressée pour le plaisir des sens. Une nappe bleue, des bougies bleues, une atmosphère feutrée. Tout est mis en place pour vivre un moment de volupté. Elle s'installe, les fauteuils sont soyeux et confortables.

    La nourriture aussi il a choisi, elle va se laisser surprendre par les odeurs, les goûts, l'atmosphère de fête, cérémonial à la beauté, à la joie de vivre la vie, au plaisir des sens. Rituel imaginé dans le détail par l'homme…

    Mais où est l'homme? Elle profite de ce moment de solitude pour s'oser à imaginer, avec juste un peu d'appréhension, le moment où ils se retrouveront seuls, dans la chambre d'amour, quand elle touchera enfin sa peau, quand elle goûtera enfin ses lèvres, quand elle humera son odeur, quand elle promènera ses mains, d'abord timidement puis avec plus d'audace.

    Il arrive, démarche féline, l'œil brillant. Lui aussi a du imaginer! Il s'assoit! Et la magie de l'amour, celui qu'on fait, les laisse sur un nuage. Ils se plongent au fond des yeux comme pour se rassurer. Ils s'unissent déjà par le regard.

    Les deux adeptes d'Epicure prennent leur temps. Ils se délectent par chaque sens. Les yeux de l'autre sont un miroir où ils cherchent à se lire! Quelle douce musique que sa voix pense-t-elle. Le toucher, juste un peu, la première fois! Elle avance un peu sa main sur la table. Il l'effleure. Un frisson la parcourt toute entière. Bientôt elle va le goûter.

    Le vin est bon. L'ivresse augmente encore la félicité qui les habite. Juste bien, juste heureux de se délecter de la vie et bientôt de l'amour.

    Et puis ils montent l'escalier. Le repas de l'amour est servi.

    Ils se mettent à goûter ce fruit attendu. Il est si mûr, c'est le moment précis où il est le meilleur à consommer. Ils le consomment, en connaisseurs, ni trop vite ni trop lentement, comme en mesurant, en distillant pour obtenir le plaisir le plus long, le plus accompli.

    Et ils s'endorment, rassasiés et heureux.
     
    Théa d'Albertville
    17 mars 2007
    Conches

    au-lievre-amoureux 


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