• Le Sonnet d'Arvers

    (paru en1833 dans le recueil poétique « Mes heures »)

    « Mon âme a son secret, ma vie a son mystère :
    Un amour éternel en un moment conçu.
    Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire,
    Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.

    Hélas ! j'aurai passé près d'elle inaperçu,
    Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire,
    Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre,
    N'osant rien demander et n'ayant rien reçu.

    Pour elle, quoique Dieu l'ait faite douce et tendre,
    Elle ira son chemin, distraite, et sans entendre
    Ce murmure d'amour élevé sur ses pas ;

    À l'austère devoir pieusement fidèle,
    Elle dira, lisant ces vers tout remplis d'elle :
    « Quelle est donc cette femme ? » et ne comprendra pas. »


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  • venus-endormie-devoilee-par-un-satyre-1695-1710-sebastiano-ricci

    Son con est sans secret, sa vulve est sans mystère,
    Mais j'ai pris cette nuit, en un moment son cul.
    Elle était endormie, aussi j'ai dû me taire,
    Celle à qui je l'ai fait n'en a jamais rien su.

    Hélas ! j'aurai piné près d'elle inaperçu,
    Sans me l'asticoter et pourtant solitaire ;
    J'aurais planté mon bout dans cette jeune terre,
    Et sans rien demander elle aura tout reçu.

    En elle, à qui Dieu fit la fesse douce et tendre,
    Je suivrai mon chemin, me distrayant d'entendre
    Ce bruit que dans la glaise on fait à chaque pas.

    Au postère de voir ma semence fidèle
    Elle dira, vidant son cul tout rempli d'elle :
    "Quel est donc ce blanc d'œuf ?" et ne comprendra pas...

    Sextidi 28 germinal 220


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  • Nicolson

    Je la pris près de la rivière
    Car je la croyais sans mari
    Tandis qu'elle était adultère
    Ce fut la Saint-Jacques la nuit
    Par rendez-vous et compromis
    Quand s'éteignirent les lumières
    Et s'allumèrent les cri-cri
    Au coin des dernières enceintes
    Je touchai ses seins endormis
    Sa poitrine pour moi s'ouvrit
    Comme des branches de jacinthes
    Et dans mes oreilles l'empois
    De ses jupes amidonnées
    Crissait comme soie arrachée
    Par douze couteaux à la fois
    Les cimes d'arbres sans lumière
    Grandissaient au bord du chemin
    Et tout un horizon de chiens
    Aboyait loin de la rivière

    Quand nous avons franchi les ronces
    Les épines et les ajoncs
    Sous elle son chignon s'enfonce
    Et fait un trou dans le limon
    Quand ma cravate fût ôtée
    Elle retira son jupon
    Puis quand j'ôtai mon ceinturon
    Quatre corsages d'affilée
    Ni le nard ni les escargots
    N'eurent jamais la peau si fine
    Ni sous la lune les cristaux
    N'ont de lueur plus cristalline
    Ses cuisses s'enfuyaient sous moi
    Comme des truites effrayées
    L'une moitié toute embrasée
    L'autre moitié pleine de froid
    Cette nuit me vit galoper
    De ma plus belle chevauchée
    Sur une pouliche nacrée
    Sans bride et sans étriers

    Je suis homme et ne peux redire
    Les choses qu'elle me disait
    Le clair entendement m'inspire
    De me montrer fort circonspect
    Sale de baisers et de sable
    Du bord de l'eau je la sortis
    Les iris balançaient leur sabre
    Contre les brises de la nuit
    Pour agir en pleine droiture
    Comme fait un loyal gitan
    Je lui fis don en la quittant
    D'un beau grand panier à couture
    Mais sans vouloir en être épris
    Parce qu'elle était adultère
    Et se prétendait sans mari
    Quand nous allions vers la rivière

    Traduction Jean Prévost Extrait de "El Romancero Gitano" 

    La casada infiel

    Y yo que me la lleve al río
    creyendo que era mozuela,
    pero tenía marido.
    Fue la noche de Santiago
    y casi por compromiso.
    Se apagaron los faroles
    y se encendieron los grillos.
    En las últimas esquinas
    toque sus pechos dormidos,
    y se me abrieron de pronto
    como ramos de jacintos.
    El almidón de su enagua
    me sonaba en el oído
    como una pieza de seda
    rasgada por diez cuchillos.
    Sin luz de plata en sus copas
    los árboles han crecido
    y un horizonte de perros
    ladra muy lejos del río.

    Pasadas las zarzamoras,
    los juncos y los espinos,
    bajo su mata de pelo
    hice un hoyo sobre el limo.
    Yo me quité la corbata.
    Ella se quito el vestido.
    Yo, el cinturón con revólver.
    Ella, sus cuatro corpiños.
    Ni nardos ni caracolas
    tienen el cutis tan fino,
    ni los cristales con luna
    relumbran con ese brillo.
    Sus muslos se me escapaban
    como peces sorprendidos,
    la mitad llenos de lumbre,
    la mitad llenos de frío.
    Aquella noche corrí
    el mejor de los caminos,
    montado en potra de nácar
    sin bridas y sin estribos.

    No quiero decir, por hombre,
    las cosas que ella me dijo.
    La luz del entendimiento
    me hace ser muy comedido.
    Sucia de besos y arena,
    yo me la llevé del río.
    Con el aire se batían
    las espadas de los lirios.
    Me porté como quien soy.
    Como un gitano legítimo.
    Le regalé un costurero
    grande, de raso pajizo,
    y no quise enamorarme
    porque teniendo marido
    me dijo que era mozuela
    cuando la llevaba al río. 

    The Faithless Wife

    So I took her to the river
    believing she was a maiden,
    but she already had a husband.
    It was on St. James night
    and almost as if I was obliged to.
    The lanterns went out
    and the crickets lighted up.
    In the farthest street corners
    I touched her sleeping breasts
    and they opened to me suddenly
    like spikes of hyacinth.
    The starch of her petticoat
    sounded in my ears
    like a piece of silk
    rent by ten knives.
    Without silver light on their foliage
    the trees had grown larger
    and a horizon of dogs
    barked very far from the river.

    Past the blackberries,
    the reeds and the hawthorne
    underneath her cluster of hair
    I made a hollow in the earth
    I took off my tie,
    she too off her dress.
    I, my belt with the revolver,
    She, her four bodices.
    Nor nard nor mother-o'-pearl
    have skin so fine,
    nor does glass with silver
    shine with such brilliance.
    Her thighs slipped away from me
    like startled fish,
    half full of fire,
    half full of cold.
    That night I ran
    on the best of roads
    mounted on a nacre mare
    without bridle stirrups.

    As a man, I won't repeat
    the things she said to me.
    The light of understanding
    has made me more discreet.
    Smeared with sand and kisses
    I took her away from the river.
    The swords of the lilies
    battled with the air.
    I behaved like what I am,
    like a proper gypsy.
    I gave her a large sewing basket,
    of straw-colored satin,
    but I did not fall in love
    for although she had a husband
    she told me she was a maiden
    when I took her to the river.


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  • FemmeNoire

    Tu étais la douceur,
    Tu suintais le bonheur
    Et les jeux interdits
    Dans le creux de nos lits
    Étaient à ton image
    Un peu fous et peu sages.

    Tu étais cette fleur,
    L'égérie de l'auteur
    Et mes petits écrits
    Malgré mes cheveux gris,
    Vantant ton beau visage
    Te rendaient moins sauvage.

    Je cherchais tes faveurs,
    Et tu tenais mon cœur.
    Nous étions étourdis
    De joie et de nos nuits.
    Tu étais mon mirage,
    La canne de mon âge.

    Tu étais ma ferveur
    Et j'étais ton sauveur,
    Mais de nombreux non-dits
    Ont bien vite assombri
    Le ciel et les nuages
    Nous menant au naufrage.

    Tu étais de couleur
    Mais ce n'était pas l'heure
    Pour certains abrutis
    De comprendre la vie
    Le bien du métissage
    Et du libertinage.

    Tu étais de couleur
    Et malgré ma douleur
    Tous les regards d'autrui
    Ont défait et détruit
    Notre si belle union
    De blanc et de marron. 

    Nicolas Wharf - 4 décembre 2014


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  • sully-prudhomme

    À vingt ans on a l'œil difficile et très fier :
    On ne regarde pas la première venue,
    Mais la plus belle ! Et, plein d'une extase ingénue,
    On prend pour de l'amour le désir né d'hier.

    Plus tard, quand on a fait l'apprentissage amer,
    Le prestige insolent des grands yeux diminue,
    Et d'autres, d'une grâce autrefois méconnue,
    Révèlent un trésor plus intime et plus cher.

    Mais on ne fait jamais que changer d'infortune :
    À l'âge où l'on croyait n'en pouvoir aimer qu'une,
    C'est par elle déjà qu'on apprit à souffrir ;

    Puis, quand on reconnaît que plus d'une est charmante,
    On sent qu'il est trop tard pour choisir une amante
    Et que le cœur n'a plus la force de s'ouvrir.

    René-François Sully Prudhomme.


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