• Je te salue, ô vermeillette fante,
    Qui vivement entre ces flancs reluis;
    Je te salue, ô bienheureux pertuis,
    Qui rens ma vie heureusement constante!

    C'est toi qui fais que plus ne me tourmante
    L'archer volant qui causoit mes ennuis;
    T'aiant tenu quatre nuis,
    Je sen sa force en moi desja plus lente.

    O petit trou, trou mignard, trou velu
    D'un poil folet mollement crespelu,
    Qui à ton gré domtes les plus rebelles;

    Tous vers galants devoient, pour t'honorer,
    A beaux genoux te venir adorer,
    Tenans au poin leurs flambantes chandelles.

    Pierre de Ronsard


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  • kamasutra

    Aimons, foutons, ce sont plaisirs
    Qu’il ne faut pas que l’on sépare;
    La jouissance et les désirs
    Sont ce que l’âme a de plus rare.
    D’un vit, d’un con et de deux cœurs,
    Naît un accord plein de douceurs,
    Que les dévots blâment sans cause.
    Amarillis, pensez-y bien :
    Aimer sans foutre est peu de chose
    Foutre sans aimer ce n’est rien.

    Jean de la La Fontaine


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  • Le Sonnet d'Arvers

    (paru en1833 dans le recueil poétique « Mes heures »)

    « Mon âme a son secret, ma vie a son mystère :
    Un amour éternel en un moment conçu.
    Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire,
    Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.

    Hélas ! j'aurai passé près d'elle inaperçu,
    Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire,
    Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre,
    N'osant rien demander et n'ayant rien reçu.

    Pour elle, quoique Dieu l'ait faite douce et tendre,
    Elle ira son chemin, distraite, et sans entendre
    Ce murmure d'amour élevé sur ses pas ;

    À l'austère devoir pieusement fidèle,
    Elle dira, lisant ces vers tout remplis d'elle :
    « Quelle est donc cette femme ? » et ne comprendra pas. »


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  • venus-endormie-devoilee-par-un-satyre-1695-1710-sebastiano-ricci

    Son con est sans secret, sa vulve est sans mystère,
    Mais j'ai pris cette nuit, en un moment son cul.
    Elle était endormie, aussi j'ai dû me taire,
    Celle à qui je l'ai fait n'en a jamais rien su.

    Hélas ! j'aurai piné près d'elle inaperçu,
    Sans me l'asticoter et pourtant solitaire ;
    J'aurais planté mon bout dans cette jeune terre,
    Et sans rien demander elle aura tout reçu.

    En elle, à qui Dieu fit la fesse douce et tendre,
    Je suivrai mon chemin, me distrayant d'entendre
    Ce bruit que dans la glaise on fait à chaque pas.

    Au postère de voir ma semence fidèle
    Elle dira, vidant son cul tout rempli d'elle :
    "Quel est donc ce blanc d'œuf ?" et ne comprendra pas...

    Sextidi 28 germinal 220


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  • Nicolson

    Je la pris près de la rivière
    Car je la croyais sans mari
    Tandis qu'elle était adultère
    Ce fut la Saint-Jacques la nuit
    Par rendez-vous et compromis
    Quand s'éteignirent les lumières
    Et s'allumèrent les cri-cri
    Au coin des dernières enceintes
    Je touchai ses seins endormis
    Sa poitrine pour moi s'ouvrit
    Comme des branches de jacinthes
    Et dans mes oreilles l'empois
    De ses jupes amidonnées
    Crissait comme soie arrachée
    Par douze couteaux à la fois
    Les cimes d'arbres sans lumière
    Grandissaient au bord du chemin
    Et tout un horizon de chiens
    Aboyait loin de la rivière

    Quand nous avons franchi les ronces
    Les épines et les ajoncs
    Sous elle son chignon s'enfonce
    Et fait un trou dans le limon
    Quand ma cravate fût ôtée
    Elle retira son jupon
    Puis quand j'ôtai mon ceinturon
    Quatre corsages d'affilée
    Ni le nard ni les escargots
    N'eurent jamais la peau si fine
    Ni sous la lune les cristaux
    N'ont de lueur plus cristalline
    Ses cuisses s'enfuyaient sous moi
    Comme des truites effrayées
    L'une moitié toute embrasée
    L'autre moitié pleine de froid
    Cette nuit me vit galoper
    De ma plus belle chevauchée
    Sur une pouliche nacrée
    Sans bride et sans étriers

    Je suis homme et ne peux redire
    Les choses qu'elle me disait
    Le clair entendement m'inspire
    De me montrer fort circonspect
    Sale de baisers et de sable
    Du bord de l'eau je la sortis
    Les iris balançaient leur sabre
    Contre les brises de la nuit
    Pour agir en pleine droiture
    Comme fait un loyal gitan
    Je lui fis don en la quittant
    D'un beau grand panier à couture
    Mais sans vouloir en être épris
    Parce qu'elle était adultère
    Et se prétendait sans mari
    Quand nous allions vers la rivière

    Traduction Jean Prévost Extrait de "El Romancero Gitano" 

    La casada infiel

    Y yo que me la lleve al río
    creyendo que era mozuela,
    pero tenía marido.
    Fue la noche de Santiago
    y casi por compromiso.
    Se apagaron los faroles
    y se encendieron los grillos.
    En las últimas esquinas
    toque sus pechos dormidos,
    y se me abrieron de pronto
    como ramos de jacintos.
    El almidón de su enagua
    me sonaba en el oído
    como una pieza de seda
    rasgada por diez cuchillos.
    Sin luz de plata en sus copas
    los árboles han crecido
    y un horizonte de perros
    ladra muy lejos del río.

    Pasadas las zarzamoras,
    los juncos y los espinos,
    bajo su mata de pelo
    hice un hoyo sobre el limo.
    Yo me quité la corbata.
    Ella se quito el vestido.
    Yo, el cinturón con revólver.
    Ella, sus cuatro corpiños.
    Ni nardos ni caracolas
    tienen el cutis tan fino,
    ni los cristales con luna
    relumbran con ese brillo.
    Sus muslos se me escapaban
    como peces sorprendidos,
    la mitad llenos de lumbre,
    la mitad llenos de frío.
    Aquella noche corrí
    el mejor de los caminos,
    montado en potra de nácar
    sin bridas y sin estribos.

    No quiero decir, por hombre,
    las cosas que ella me dijo.
    La luz del entendimiento
    me hace ser muy comedido.
    Sucia de besos y arena,
    yo me la llevé del río.
    Con el aire se batían
    las espadas de los lirios.
    Me porté como quien soy.
    Como un gitano legítimo.
    Le regalé un costurero
    grande, de raso pajizo,
    y no quise enamorarme
    porque teniendo marido
    me dijo que era mozuela
    cuando la llevaba al río. 

    The Faithless Wife

    So I took her to the river
    believing she was a maiden,
    but she already had a husband.
    It was on St. James night
    and almost as if I was obliged to.
    The lanterns went out
    and the crickets lighted up.
    In the farthest street corners
    I touched her sleeping breasts
    and they opened to me suddenly
    like spikes of hyacinth.
    The starch of her petticoat
    sounded in my ears
    like a piece of silk
    rent by ten knives.
    Without silver light on their foliage
    the trees had grown larger
    and a horizon of dogs
    barked very far from the river.

    Past the blackberries,
    the reeds and the hawthorne
    underneath her cluster of hair
    I made a hollow in the earth
    I took off my tie,
    she too off her dress.
    I, my belt with the revolver,
    She, her four bodices.
    Nor nard nor mother-o'-pearl
    have skin so fine,
    nor does glass with silver
    shine with such brilliance.
    Her thighs slipped away from me
    like startled fish,
    half full of fire,
    half full of cold.
    That night I ran
    on the best of roads
    mounted on a nacre mare
    without bridle stirrups.

    As a man, I won't repeat
    the things she said to me.
    The light of understanding
    has made me more discreet.
    Smeared with sand and kisses
    I took her away from the river.
    The swords of the lilies
    battled with the air.
    I behaved like what I am,
    like a proper gypsy.
    I gave her a large sewing basket,
    of straw-colored satin,
    but I did not fall in love
    for although she had a husband
    she told me she was a maiden
    when I took her to the river.


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  • FemmeNoire

    Tu étais la douceur,
    Tu suintais le bonheur
    Et les jeux interdits
    Dans le creux de nos lits
    Étaient à ton image
    Un peu fous et peu sages.

    Tu étais cette fleur,
    L'égérie de l'auteur
    Et mes petits écrits
    Malgré mes cheveux gris,
    Vantant ton beau visage
    Te rendaient moins sauvage.

    Je cherchais tes faveurs,
    Et tu tenais mon cœur.
    Nous étions étourdis
    De joie et de nos nuits.
    Tu étais mon mirage,
    La canne de mon âge.

    Tu étais ma ferveur
    Et j'étais ton sauveur,
    Mais de nombreux non-dits
    Ont bien vite assombri
    Le ciel et les nuages
    Nous menant au naufrage.

    Tu étais de couleur
    Mais ce n'était pas l'heure
    Pour certains abrutis
    De comprendre la vie
    Le bien du métissage
    Et du libertinage.

    Tu étais de couleur
    Et malgré ma douleur
    Tous les regards d'autrui
    Ont défait et détruit
    Notre si belle union
    De blanc et de marron. 

    Nicolas Wharf - 4 décembre 2014


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  • sully-prudhomme

    À vingt ans on a l'œil difficile et très fier :
    On ne regarde pas la première venue,
    Mais la plus belle ! Et, plein d'une extase ingénue,
    On prend pour de l'amour le désir né d'hier.

    Plus tard, quand on a fait l'apprentissage amer,
    Le prestige insolent des grands yeux diminue,
    Et d'autres, d'une grâce autrefois méconnue,
    Révèlent un trésor plus intime et plus cher.

    Mais on ne fait jamais que changer d'infortune :
    À l'âge où l'on croyait n'en pouvoir aimer qu'une,
    C'est par elle déjà qu'on apprit à souffrir ;

    Puis, quand on reconnaît que plus d'une est charmante,
    On sent qu'il est trop tard pour choisir une amante
    Et que le cœur n'a plus la force de s'ouvrir.

    René-François Sully Prudhomme.


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  • rever important brel

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  • Dans le lit agité par les affres du temps
    Nous sommes tous les deux des marins courageux.
    Au dehors, le tonnerre et les orages grondent,
    Il n'y a pas d'endroit sans révolte ni fronde.

    Au-dedans, bien au chaud sous le drap protecteur
    Je te joue le couplet du parfait séducteur,
    Ma main s'en va flâner où tu l'aurais guidée
    Et approche tes reins sans être intimidée.

    Au dehors, un soldat à l'esprit embrumé
    Fait sauter un musée et sort de la fumée
    Un fusil à la main, prêt à tuer tout passant
    Qui pourrait lui sembler tant soit peu menaçant.

    Au-dedans, l'édredon nous protège de tout.
    Ton nombril avant tout, est un très bel atout.
    Je contourne tes cils pour arriver au cou
    M'attardant en passant au velours de ta joue.

    Au dehors les barbus font régner la terreur,
    Au nom d'un amour fou, ils sèment le malheur.
    Il n'y a pas d'endroit où ils ne font pas peur
    Et le sang d'innocents outrage leur seigneur.

    Au-dedans, tout est ouate, harmonie et douceur,
    Au nom d'un amour fou, je te dois le bonheur.
    Il n'y a pas d'endroit que je n'ose explorer
    Et pas assez de temps pour pouvoir t'adorer.

    Je vois ton corps âgé respirer calmement.
    Je vois un monde fou, malade et déroutant
    Des séismes violents, un dehors dangereux
    Mais un dedans tout chaud à nous garder heureux.

    Nicolas Wharf - 12 novembre 2014


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  • bagdad-cafe

    Après mon divorce avec Éliane, redevenue Sulmoni, j'avais le blues. À l'agence Kuoni à Fribourg, qui me proposait Bali ou la Thaïlande, j'ai dit non, je voulais retourner aux États-Unis. J'avais aimé ce voyage en Floride avec Éliane, je voulais y retourner, mais pourquoi, je ne savais pas encore. C'est comme cela que je réserve un billet pour New-York, Big Apple, auprès de la compagnie TWA, Trans World Airlines, aller et retour, validité un mois.

    Il fallait quand même prendre des dispositions. Je vais vers mon chef de bureau, Jean-Marc Roulin, pour lui demander de s'occuper des affaires courantes durant mon absence. Il a été surpris et un peu apeuré, mais finalement, rassuré, il a accepté de le faire, avec la secrétaire. Il n'y avait pas de "casseroles sur le feu", ce n'était pas une tâche bien difficile.

    Il fallait maintenant aller voir mon père, pour l'entreprise !

    • Écoute François, je pars un mois !

    • Tu es toujours le même inconscient ! Tu divorces et maintenant tu veux partir !

    • Oui, j'ai besoin de changer d'air.

    • Mais quand même, et l'entreprise, l'entreprise, l'entreprise !

    • Tu n'es pas bien vieux, tu es encore capable, en forme, il n'y a pas de problèmes ! Tu vas rediriger TON entreprise!

    Il me regardait bizarrement, béatement, mais il y avait une étincelle dans ses yeux, il allait redevenir le chef de l'entreprise.

    • Bon, après tout, d'accord. Je vais le faire. Ne fais pas l'idiot là-bas.

    Les quelques travaux en cours n'allaient pas lui demander de bien gros efforts, ça tournait bien, c'était bien organisé. Il l'a fait avec un plaisir un peu dissimulé.

    Le bureau, c'était réglé, l'entreprise, c'était réglé, il restait l'argent. Je ne pouvais pas partir sans fonds. J'avais déjà une carte de crédit American Express, la meilleure carte que j'aie jamais eue, très avantageuse et connue pour les titulaires, mais cher payé pour ceux qui l'acceptent, six ou sept pour cent de frais.

    J'ai acheté pour dix mille dollars de travellers chèques, cent chèques à cent dollars. Il valait encore trois francs cinquante, ça faisait une belle somme.

    Je prends ma bagnole, la laisse au parking souterrain de Zurich Kloten où j'avais négocié au préalable un contrat de location pour un mois, payé d'avance ... et si je ne revenais pas ? Tant pis !

    J'embarque, vol tranquille, et me voilà à New-York, aéroport Kennedy. Je me rends en taxi au Waldorf Astoria où une chambre avait été réservée. Magnifique, grandiose, les hauteurs, les lustres, les dorures, c'était extraordinaire. Il était cinq heures de l'après-midi, heure locale. J'ai rangé mes belles affaires, costards, cravates, le tout bien ordonné, bien en place.

    Vers huit heures, je descends au bar et commande un Chivas Regal, puis un deuxième. Ça voulait dire que j'avais du goût pour le bon whisky, à la mode à l'époque et que j'avais les moyens de me le payer, un homme considérable et considéré. Je me mets à parler avec la barmaid, une grande blonde à la robe rouge, avec mon anglais trébuchant.

    Un peu plus tard, je me rends au dining room, tout seul, et là je réalise que je m'ennuie, je m'emmerde, je me languis, je ne trouve pas du tout cela drôle. Je n'allais pas passer beaucoup de temps à me morfondre de la sorte, il fallait que je trouve quelque chose. Le lendemain, j'ai dormi toute la journée, fatigue du voyage, lâcher de stress. Le soir, je retourne au bar de l'hôtel et je refais la même chose que la veille, un Chivas, deux Chivas ... C'est là qu'arrive un homme, à ce bar, bel homme, bien de sa personne, mon âge à peu près.

    • Vous parlez français ?

    • Oui, je suis français, je suis breton !

    • Ça tombe très bien parce que nous, les Mauron, nous sommes originaires de la Bretagne, un petit village du sud de la Bretagne, Mauron.

    • Ah tiens, c'est étrange, je le connais ce village.

    • Moi non, je n'y suis jamais allé. Et vous êtes seul ici ?

    • Oui, je suis venu changer d'air ... à cause d'une femme !

    • Ah tiens, moi aussi !

    • Bon, c'est bien, points communs.

    • On va faire quelque chose ensemble si vous voulez, ce serait plus sympathique que seul ?

    • Oui d'accord.

    Il s'appelait Guy Queinnec. Après avoir fait schmolitz1, je lui dis :

    • Tu es d'accord, demain on va à Harlem ?

    • Non mais ça va pas, on va se faire tuer !

    • Rien du tout, j'ai un copain qui m'a expliqué. Tu mets tes jeans les plus usés, s'il n'y a pas de trous dedans, tu en fais, un chemise limée aux coudes, grande ouverte, tu enlèves tes bijoux et te voilà prêt pour Harlem.

    • Bon d'accord.

    Nous avons pris un taxi et nous voilà à Harlem. Il n'y avait pas beaucoup de blancs, mais des noirs, des latinos, plus ou moins foncés. On se promène un peu et soudain on arrive devant un colosse, étalé de tout son long, deux mètres au moins, en travers sur le trottoir.

    • On passe par-dessus ?

    • Non jamais, fais attention !

    • Mais pourquoi ?

    • On m'a expliqué, il faut le contourner.

    C'est ce que nous avons fait et je me suis retourné et j'ai vu une paire de gros yeux noirs qui m'observaient. Il m'a fait un gros sourire.

    • You are a good guy, I will offer you a beer – tu es un bon type, je t'offre une bière. Say it to your friend too – dis-le à ton copain aussi.

    Nous sommes allés au troquet le plus proche et notre ami a commandé trois bières. Il était très content, il s'était rendu compte que nous avions eu du respect en n'enjambant pas son corps. Nous avons bu deux ou trois bières, en bons copains d'un petit moment. Il nous a montré des boîtes, des endroits où les touristes n'allaient jamais. Nous avons bu des bières toute la soirée et puis nous sommes rentrés à l'hôtel.

    • Alors, Guy, ça t'a plu le bronx ?

    • Oui, oui, c'était fantastique, on y retourne demain ?

    • Mais non, une fois c'est bien, mais ce n'est peut-être pas tous les jours comme ça ! Il faut passer à autre chose !

    • Bon d'accord, tu proposes quoi ?

    • Tu as du fric, Guy ?

    • Oui j'ai du fric !

    • Et bien moi aussi ! Tu as combien ?

    • Bon écoute, c'est un peu délicat comme question, mais disons que dépenser dix, quinze mille dollars, ça ne me pose pas de problèmes.

    • Bien. Tu as déjà entendu parler de la Road 66 ? La route 66 ?

    • C'est quoi ?

    • C'est la route qui va de Chicago dans l'Illinois à Santa Monika, Californie, à côté de Los Angeles.

    • C'est long ?

    • Oui, ça fait plus de deux mille miles, entre trois mille et trois mille cinq cents kilomètres, les États-Unis d'est en ouest.

    • On fait comment ?

    • On prend un billet d'avion pour Chicago et puis on achète une voiture.

    • D'accord.

    Nous avons pris l'avion à La Guardia, aéroport principalement interne des États-Unis, aller simple pour Chicago. Arrivés sur place, nous sommes entrés dans le premier hôtel que nous avons vu. Rapidement, nous nous sommes rendus dans le premier garage pour acheter une voiture, une Chevrolet Impala noire, avec des ailes si hautes qu'elle aurait peut-être pu s'envoler. Elle était magnifique, rutilante, elle coûtait trois mille dollars.

    • C'est cher ! me dit Guy.

    • Ne t'inquiète pas, nous la revendrons de l'autre côté.

    Nous avons reçu notre belle auto, avec les plaques, et sommes partis à l'aventure, vers "The road 66", la route 66.

    Premier soir, premier motel, on s'arrête à gauche de la route, ambiance sympathique, mais disons modérée, nous avons mangé notre premier "chili con carne"2 avec une bonne bud, l'excellente bière Budweiser et nous sommes allés nous coucher. Nous faisions trois cents kilomètres par jour environ. Le lendemain, nous sommes repartis. Plus on avançait et plus c'était intéressant, il y avait des échoppes le long de la route, tous les cents mètres, il y avait quelque chose à acheter. Après deux ou trois jours, c'est devenu vraiment plus intéressant, des hippies envahissaient cette route 66. C'était la fin de la guerre du Vietnam, la mode du "peace and love"3, les filles étaient en fleurs, elles avaient des bandeaux dans les cheveux et des bracelets aux chevilles. Durant sept ou huit jours, nous avons vécu une période extraordinaire, à la bonne franquette, tout le monde se souriait, tu veux venir coucher avec moi, d'accord, tu ne veux pas, ça ne fait rien, d'accord aussi. Il n'y avait pas de jalousie, personne n'appartenait à personne. Chacun faisait ce qu'il voulait, chacun couchait avec qui il voulait. Nous sortions un peu de la route, quelques miles, pour passer des journées heureuses avec nos amis hippies, au bord des lacs, tous ensemble, à se faire plaisir.

    Toutes les bonnes choses ont une fin, dit l'adage. Nous sommes arrivés à Santa Monika. Nous avons revendu la voiture deux mille dollars. La benzine nous a coûté trente-cinq centimes suisses le gallon de deux litres et demi. Il fallait rentrer à New-York pour reprendre l'avion. Il fallait rentrer à la maison, après avoir passé une dernière nuit au Waldorf Astoria à New-York.

    Je n'ai jamais revu ni entendu parler de mon ami Guy Queinnec. C'est la vie.

    1Passer au tutoiement en buvant un verre cul sec

    2Plat à base de viande de bœuf et haricots rouges

    3"Paix et amour" signe de reconnaissance des hippies entre eux


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