• graces

    Sois bénie femme ô femme
    femme transfigurée
    corps absolu
    chair votive

    Que soit bénie ta fièvre et béni le silence
    où ton geste pieux
    sème sur notre couche
    des gerbes de clartés . .

    Ton nom soit béni femme béni ce flanc
    plus peuplé que l'enfer et le ciel accordés
    car il est un autel
    il est temple d'hier et temple de demain
    et je vois tous les temps s'y perdre d'allégresse
    quand j'aime et que tes flancs
    ruissellent de bonheur

    Sois bénie femme ô femme
    femme transfigurée
    corps absolu
    chair votive

    Et l'antre soit béni où ma lèvre gourmande
    fait monter de ta vie la houle des eaux lourdes
    l'âcreté capiteuse d'étranges parfums
    et ce long cri de bête
    et ce râle ébloui

    Sois bénie femme ô femme
    femme transfigurée
    corps absolu
    chair votive

    Et l'antre soit béni où mon corps ébranlé
    s'entête de plaisir au faîte de l'extase
    que l'antre soit béni où nos chairs confondues
    conspirent ce vertige nôtre
    zébré de spasmes fous complotant la brimbale qui
    nous brisera femme ô femme transfigurée

    Quand je devrai
    au port d'un vieil âge éreinté
    larguer les voiles pour ailleurs
    femmes la couche humide où nous nous accueillîmes
    encor tout imprégnée du parfum de vos nuits
    qu'elle soit mon linceul
    comme elle fut berceau de mes heures joyeuses

    Sois bénie femme ô femme
    femme transfigurée
    corps absolu
    chair votive

    Alix RENAUD - Octobre 1978 - Québec français 


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  • Madame, quel est votre mot
    Et sur le mot et sur la chose ?
    On vous a dit souvent le mot,
    On vous a souvent fait la chose.
    Ainsi, de la chose et du mot
    Pouvez-vous dire quelque chose.
    Et je gagerai que le mot
    Vous plaît beaucoup moins que la chose !
    Pour moi, voici quel est mon mot
    Et sur le mot et sur la chose.
    J'avouerai que j'aime le mot,
    J'avouerai que j'aime la chose.
    Mais, c'est la chose avec le mot
    Et c'est le mot avec la chose ;
    Autrement, la chose et le mot
    À mes yeux seraient peu de chose.
    Je crois même, en faveur du mot,
    Pouvoir ajouter quelque chose,
    Une chose qui donne au mot
    Tout l'avantage sur la chose :
    C'est qu'on peut dire encor le mot
    Alors qu'on ne peut plus la chose...
    Et, si peu que vaille le mot,
    Enfin, c'est toujours quelque chose !
    De là, je conclus que le mot
    Doit être mis avant la chose,
    Que l'on doit n'ajouter au mot
    Qu'autant que l'on peut quelque chose
    Et que, pour le temps où le mot
    Viendra seul, hélas, sans la chose,
    Il faut se réserver le mot
    Pour se consoler de la chose !
    Pour vous, je crois qu'avec le mot
    Vous voyez toujours autre chose :
    Vous dites si gaiement le mot,
    Vous méritez si bien la chose,
    Que, pour vous, la chose et le mot
    Doivent être la même chose...
    Et, vous n'avez pas dit le mot,
    Qu'on est déjà prêt à la chose.
    Mais, quand je vous dis que le mot
    Vaut pour moi bien plus que la chose
    Vous devez me croire, à ce mot,
    Bien peu connaisseur en la chose !
    Eh bien, voici mon dernier mot
    Et sur le mot et sur la chose :
    Madame, passez-moi le mot...
    Et je vous passerai la chose !

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  • comme une bougie

    Quelqu'un meurt,
    Et c'est comme des pas
    Qui s'arrêtent.
    Mais si c'était un départ
    Pour un nouveau voyage...
     
    Quelqu'un meurt,
    Et c'est comme une porte
    Qui claque.
    Mais si c'était un passage
    S'ouvrant sur d'autres paysages...
     
    Quelqu'un meurt,
    Et c'est comme un arbre
    Qui tombe,
    Mais si c'était une graine
    Germant dans une terre nouvelle...
     
    Quelqu'un meurt,
    Et c'est comme un silence
    Qui hurle.
    Mais s'il nous aidait à entendre
    La fragile musique de la vie...
     
    Benoît Marchon


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  • l'homme  grimpant à l'arbre Edwards

    Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme!
    Au gré des envieux, la foule loue et blâme ;
    Vous me connaissez, vous! - vous m’avez vu souvent,
    Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant.

    Vous le savez, la pierre où court un scarabée,
    Une humble goutte d’eau de fleur en fleur tombée,
    Un nuage, un oiseau, m’occupent tout un jour.
    La contemplation m’emplit le coeur d’amour.

    Vous m’avez vu cent fois, dans la vallée obscure,
    Avec ces mots que dit l’esprit à la nature,
    Questionner tout bas vos rameaux palpitants,
    Et du même regard poursuivre en même temps,

    Pensif, le front baissé, l’oeil dans l’herbe profonde,
    L’étude d’un atome et l’étude du monde.
    Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu,
    Arbres, vous m'avez vu fuir l'homme et chercher Dieu!

    Feuilles qui tressaillez à la pointe des branches;
    Nids dont le vent au loin sème les plumes blanches,
    Clairières, vallons verts, déserts sombres et doux;
    Vous savez que je suis calme et pur comme vous.

    Comme au ciel vos parfums, mon culte à Dieu s'élance,
    Et je suis plein d'oubli comme vous de silence!
    La haine sur mon nom répand en vain son fiel ;
    Toujours, - je vous atteste, ô bois aimés du ciel! -

    J'ai chassé loin de moi toute pensée amère,
    Et mon coeur est encor tel que le fit ma mère!
    Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours,
    Je vous aime, et vous, lierre au seuil des autres sourds,

    Ravins où l'on entend filtrer les sources vives,
    Buissons que les oiseaux pillent, joyeux convives!
    Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois,
    Dans tout ce qui m'entoure et me cache à la fois,

    Dans votre solitude où je rentre en moi-même,
    Je sens quelqu'un de grand qui m'écoute et qui m'aime!
    Aussi, taillis sacrés où Dieu même apparaît,
    Arbres religieux, chênes, mousses, forêt,

    Forêt! c'est dans votre ombre et dans votre mystère,
    C'est sous votre branchage auguste et solitaire,
    Que je veux abriter mon sépulcre ignoré,
    Et que je veux dormir quand je m'endormirai. 

    Victor Hugo

    Image : Edwards


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  • ascension vers l obscure Jerome Bosch

    On dit que je suis fort malade,
    Ami ; j'ai déjà l'oeil terni ;
    Je sens la sinistre accolade
    Du squelette de l'infini.

    Sitôt levé, je me recouche ;
    Et je suis comme si j'avais
    De la terre au fond de la bouche ;
    Je trouve le souffle mauvais.

    Comme une voile entrant au havre,
    Je frissonne ; mes pas sont lents,
    J'ai froid ; la forme du cadavre,
    Morne, apparaît sous mes draps blancs.

    Mes mains sont en vain réchauffées ;
    Ma chair comme la neige fond ;
    Je sens sur mon front des bouffées
    De quelque chose de profond.

    Est-ce le vent de l'ombre obscure ?
    Ce vent qui sur Jésus passa !
    Est-ce le grand Rien d'Épicure,
    Ou le grand Tout de Spinosa ?

    Les médecins s'en vont moroses ;
    On parle bas autour de moi,
    Et tout penche, et même les choses
    Ont l'attitude de l'effroi.

    Perdu ! voilà ce qu'on murmure.
    Tout mon corps vacille, et je sens
    Se déclouer la sombre armure
    De ma raison et de mes sens.

    Je vois l'immense instant suprême
    Dans les ténèbres arriver.
    L'astre pâle au fond du ciel blême
    Dessine son vague lever.

    L'heure réelle, ou décevante,
    Dresse son front mystérieux.
    Ne crois pas que je m'épouvante ;
    J'ai toujours été curieux.

    Mon âme se change en prunelle ;
    Ma raison sonde Dieu voilé ;
    Je tâte la porte éternelle,
    Et j'essaie à la nuit ma clé.

    C'est Dieu que le fossoyeur creuse ;
    Mourir, c'est l'heure de savoir ;
    Je dis à la mort : Vieille ouvreuse,
    Je viens voir le spectacle noir.


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  • et si on mangeait les enfants

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  • rose et billet du matin
     
    Si les liens des coeurs ne sont pas des mensonges,
    Oh ! dites, vous devez avoir eu de doux songes,
    Je n'ai fait que rêver de vous toute la nuit.
    Et nous nous aimions tant ! vous me disiez : « Tout fuit, 

    Tout s'éteint, tout s'en va ; ta seule image reste. »
    Nous devions être morts dans ce rêve céleste ;
    Il semblait que c'était déjà le paradis.
    Oh ! oui, nous étions morts, bien sûr ; je vous le dis.

    Nous avions tous les deux la forme de nos âmes.
    Tout ce que, l'un de l'autre, ici-bas nous aimâmes
    Composait notre corps de flamme et de rayons,
    Et, naturellement, nous nous reconnaissions.

    Il nous apparaissait des visages d'aurore
    Qui nous disaient : « C'est moi ! » la lumière sonore
    Chantait ; et nous étions des frissons et des voix.
    Vous me disiez : « Écoute ! » et je répondais : « Vois ! »

    Je disais : « Viens-nous-en dans les profondeurs sombres ;
    Vivons ; c'est autrefois que nous étions des ombres. »
    Et, mêlant nos appels et nos cris : « Viens ! oh ! viens !
    Et moi, je me rappelle, et toi, tu te souviens. »

    Éblouis, nous chantions : « C'est nous-mêmes qui sommes
    Tout ce qui nous semblait, sur la terre des hommes,
    Bon, juste, grand, sublime, ineffable et charmant ;
    Nous sommes le regard et le rayonnement ;

    Le sourire de l'aube et l'odeur de la rose,
    C'est nous ; l'astre est le nid où notre aile se pose ;
    Nous avons l'infini pour sphère et pour milieu,
    L'éternité pour l'âge ; et, notre amour, c'est Dieu. »

    Victor - Les contemplations - 185..


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  • lire des livres lire delivre


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  • un jour viendra

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  • L ame du vin - Baudelaire_opt
    Un soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles:
    «Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
    Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
    Un chant plein de lumière et de fraternité!

    Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
    De peine, de sueur et de soleil cuisant
    Pour engendrer ma vie et pour me donner l'âme;
    Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,

    Car j'éprouve une joie immense quand je tombe
    Dans le gosier d'un homme usé par ses travaux,
    Et sa chaude poitrine est une douce tombe
    Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.

    Entends-tu retentir les refrains des dimanches
    Et l'espoir qui gazouille en mon sein palpitant?
    Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
    Tu me glorifieras et tu seras content;

    J'allumerai les yeux de ta femme ravie;
    À ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
    Et serai pour ce frêle athlète de la vie
    L'huile qui raffermit les muscles des lutteurs.

    En toi je tomberai, végétale ambroisie,
    Grain précieux jeté par l'éternel Semeur,
    Pour que de notre amour naisse la poésie
    Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur!»

    Charles Baudelaire

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