• Changement de personnage

    soeursC'est cette même Sœur Préfète, Isabella Muller qui a reçu la lettre réponse de mon père, lorsque l'établissement voulait me mettre dehors parce que j'étais trop exigeant, que l'établissement n'était pas à la hauteur de mes désirs et que je n'acceptais pas les conditions. Mon père a téléphoné à la religieuse qui me l'a passé et là, j'ai confirmé ce que j'avais à leur reprocher. Mais mon père n'était pas d'accord, il n'a pas appuyé ma révolte. Dans sa lettre, il relevait les faits que des générations de Mauron avaient étudié là, qu'il était syndic et député, qu'il était un homme en vue, que ça ferait vraiment vilain dans le décor de voir son fils se faire renvoyer du pensionnat. C'était impossible pour lui. Il s'est mis à plat ventre devant la Sœur Préfète, peut-être a-t-il même oublié quelques billets de banque dans l'enveloppe.

    C'est là que j'ai été convoqué un soir au parloir. Sœur Isabella Muller était rouge de colère. Elle m'a insulté, m'a humilié, m'a agonisé durant une demi heure, à genoux devant elle. Je pleurais à chaudes larmes. J'ai été anéanti.

    • Maintenant tu pries deux dizaines de chapelet avec moi !
    • Ton papa est quelqu'un de bien, alors nous avons décidé de te garder.
    • Mais tu comprends bien qu'il faudra changer ta manière de voir les choses, sinon nous allons encore avoir des problèmes toi et moi.

    Depuis lors, j'ai appris à pratiquer la condescendance, voir l'obséquiosité. Je ne pouvais pas être moi-même, dire ce que je pensais, faire un peu l'anarchiste. Non, je devais me plier aux règles, condescendre. Je passais devant la chapelle cinq ou six fois par jour, et chaque fois, je m'inclinais légèrement et disait d'un ton mesuré :

    • Grüss Gott Schwester, Grüss Gott Schwester !

    Toute la sainte journée, je baisais la tête et répétais :

    • Grüss Gott Schwester, Grüss Gott Schwester !

    Et petit à petit, je suis devenu le roi ...

    • Ah mais Francis, qu'est-ce qu'il a changé ! C'est magnifique, bravo !
    • Tu n'aimes pas trop le chant, et bien n'y va pas, tu peux rester à la salle d'étude.

    J'avais des tas de petits avantages que j'appréciais beaucoup, alors que six mois auparavant, j'étais pratiquement l'homme à abattre. J'avais joué le jeu et je faisais beaucoup plus ce que je voulais que lorsque je prenais les choses de front. La vie m'a offert là une belle leçon de diplomatie, enfin si on peut dire ...

    Le théâtre m'a vraiment procuré un grand plaisir. Bien sûr, il y avait celui des filles et celui des garçons et aussi celui des alémaniques et celui des français, malgré cela, j'ai aimé en jouer. Quant à Sœur Pierre-Marie qui nous aidait pour les répétions le soir à sept heures et demi huit heures, elle nous apportait beaucoup par son comportement enthousiaste et généreux et je l'aimais bien. Là nous avions le plaisir de parler notre propre langue.


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