• Perles de Jean d'OrmessonQue vous soyez fier comme un coq
    Fort comme un bœuf
    Têtu comme un âne
    Malin comme un singe
    Ou simplement un chaud lapin

    Vous êtes tous, un jour ou l'autre
    Devenu chèvre pour une caille aux yeux de biche
    Vous arrivez à votre premier rendez-vous
    Fier comme un paon
    Et frais comme un gardon

    Et là ... Pas un chat !
    Vous faites le pied de grue
    Vous demandant si cette bécasse vous a réellement posé un lapin
    Il y a anguille sous roche

    Et pourtant le bouc émissaire qui vous a obtenu ce rancard
    La tête de linotte avec qui vous êtes copain comme cochon
    Vous l'a certifié
    Cette poule a du chien
    Une vraie panthère !

    C'est sûr, vous serez un crapaud mort d'amour
    Mais tout de même, elle vous traite comme un chien
    Vous êtes prêt à gueuler comme un putois
    Quand finalement la fine mouche arrive

    Bon, vous vous dites que dix minutes de retard
    Il n'y a pas de quoi casser trois pattes à un canard
    Sauf que la fameuse souris
    Malgré son cou de cygne et sa crinière de lion
    Est en fait aussi plate qu'une limande
    Myope comme une taupe
    Elle souffle comme un phoque
    Et rit comme une baleine
    Une vraie peau de vache, quoi !
    Et vous, vous êtes fait comme un rat
    Vous roulez des yeux de merlan frit
    Vous êtes rouge comme une écrevisse
    Mais vous restez muet comme une carpe

    Elle essaie bien de vous tirer les vers du nez
    Mais vous sautez du coq à l'âne
    Et finissez par noyer le poisson
    Vous avez le cafard
    L'envie vous prend de pleurer comme un veau
    (ou de verser des larmes de crocodile, c'est selon)
    Vous finissez par prendre le taureau par les cornes
    Et vous inventer une fièvre de cheval
    Qui vous permet de filer comme un lièvre

    C'est pas que vous êtes une poule mouillée
    Vous ne voulez pas être le dindon de la farce
    Vous avez beau être doux comme un agneau
    Sous vos airs d'ours mal léché
    Faut pas vous prendre pour un pigeon
    Car vous pourriez devenir le loup dans la bergerie
    Et puis, ç'aurait servi à quoi
    De se regarder comme des chiens de faïence
    Après tout, revenons à nos moutons
    Vous avez maintenant une faim de loup
    L'envie de dormir comme un loir
    Et surtout vous avez d'autres chats à fouetter.

    Jean d'Ormesson


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  • Puisque nous avons le temps, méditons… (Après Corona)Et tout s’est arrêté…

    Ce monde lancé comme un bolide dans sa course folle, ce monde dont nous savions tous qu’il courait à sa perte mais dont personne ne trouvait le bouton « arrêt d’urgence », cette gigantesque machine a soudainement été stoppée net. A cause d’une toute petite bête, un tout petit parasite invisible à l’oeil nu, un petit virus de rien du tout… Quelle ironie ! Et nous voilà contraints à ne plus bouger et à ne plus rien faire. Mais que va-t-il se passer après ? Lorsque le monde va reprendre sa marche ; après, lorsque la vilaine petite bête aura été vaincue ? A quoi ressemblera notre vie après ?

    Après ?

    Nous souvenant de ce que nous aurons vécu dans ce long confinement, nous déciderons d’un jour dans la semaine où nous cesserons de travailler car nous aurons redécouvert comme il est bon de s’arrêter ; un long jour pour goûter le temps qui passe et les autres qui nous entourent. Et nous appellerons cela le dimanche.

    Après ?

    Ceux qui habiteront sous le même toit, passeront au moins 3 soirées par semaine ensemble, à jouer, à parler, à prendre soin les uns des autres et aussi à téléphoner à papy qui vit seul de l’autre côté de la ville ou aux cousins qui sont loin. Et nous appellerons cela la famille.

    Après ?

    Nous écrirons dans la Constitution qu’on ne peut pas tout acheter, qu’il faut faire la différence entre besoin et caprice, entre désir et convoitise ; qu’un arbre a besoin de temps pour pousser et que le temps qui prend son temps est une bonne chose. Que l’homme n’a jamais été et ne sera jamais tout-puissant et que cette limite, cette fragilité inscrite au fond de son être est une bénédiction puisqu'elle est la condition de possibilité de tout amour. Et nous appellerons cela la sagesse.

    Après ?

    Nous applaudirons chaque jour, pas seulement le personnel médical à 20h mais aussi les éboueurs à 6h, les postiers à 7h, les boulangers à 8h, les chauffeurs de bus à 9h, les élus à 10h et ainsi de suite. Oui, j’ai bien écrit les élus, car dans cette longue traversée du désert, nous aurons redécouvert le sens du service de l’Etat, du dévouement et du Bien Commun. Nous applaudirons toutes celles et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, sont au service de leur prochain. Et nous appellerons cela la gratitude.

    Après ?

    Nous déciderons de ne plus nous énerver dans la file d’attente devant les magasins et de profiter de ce temps pour parler aux personnes qui comme nous, attendent leur tour. Parce que nous aurons redécouvert que le temps ne nous appartient pas, que Celui qui nous l’a donné ne nous a rien fait payer et que décidément, non, le temps ce n’est pas de l’argent ! Le temps c’est un don à recevoir et chaque minute un cadeau à goûter. Et nous appellerons cela la patience.

    Après ?

    Nous pourrons décider de transformer tous les groupes WhatsApp créés entre voisins pendant cette longue épreuve, en groupes réels, de dîners partagés, de nouvelles échangées, d’entraide pour aller faire les courses où amener les enfants à l’école. Et nous appellerons cela la fraternité.

    Après ?

    Nous rirons en pensant à avant, lorsque nous étions tombés dans l’esclavage d’une machine financière que nous avions nous-mêmes créée, cette poigne despotique broyant des vies humaines et saccageant la planète. Après, nous remettrons l’homme au centre de tout parce qu’aucune vie ne mérite d’être sacrifiée au nom d’un système, quel qu’il soit. Et nous appellerons cela la justice.

    Après ?

    Nous nous souviendrons que ce virus s’est transmis entre nous sans faire de distinction de couleur de peau, de culture, de niveau de revenu ou de religion. Simplement parce que nous appartenons tous à l’espèce humaine. Simplement parce que nous sommes humains. Et de cela nous aurons appris que si nous pouvons nous transmettre le pire, nous pouvons aussi nous transmettre le meilleur. Simplement parce que nous sommes humains. Et nous appellerons cela l’humanité.

    Après ?

    Dans nos maisons, dans nos familles, il y aura de nombreuses chaises vides et nous pleurerons celles et ceux qui ne verront jamais cet après. Mais ce que nous aurons vécu aura été si douloureux et si intense à la fois que nous aurons découvert ce lien entre nous, cette communion plus forte que la distance géographique. Et nous saurons que ce lien qui se joue de l’espace, se joue aussi du temps ; que ce lien passe la mort. Et ce lien entre nous qui unit ce côté-ci et l’autre de la rue, ce côté-ci et l’autre de la mort, ce côté-ci et l’autre de la vie, nous l’appellerons Dieu.

    Après ?

    Après ce sera différent d’avant mais pour vivre cet après, il nous faut traverser le présent. Il nous faut consentir à cette autre mort qui se joue en nous, cette mort bien plus éprouvante que la mort physique. Car il n’y a pas de résurrection sans passion, pas de vie sans passer par la mort, pas de vraie paix sans avoir vaincu sa propre haine, ni de joie sans avoir traversé la tristesse. Et pour dire cela, pour dire cette lente transformation de nous qui s’accomplit au coeur de l’épreuve, cette longue gestation de nous-mêmes, pour dire cela, il n’existe pas de mot.

    Ecrit par Pierre Alain LEJEUNE, prêtre à Bordeaux


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  • Il nous a quittés le 31 mars 2020.

    "Le calendrier va très vite. Mais nous allons encore plus vite que lui. On prépare ses vacances 2 ans à l'avance, on calcule ce qu'on gagnera dans 5 ans, on s'inquiète des maladies qu'on pourrait avoir dans 10 ans, qui renflouera l'AVS (retraite) dans 20 ans, comment les choses iront-elles en 2050. L'Europe aujourd'hui a peur, peur de ces colonnes de réfugiés qui frappent à sa porte.

    Tout cela augmente nos soucis, mine nos énergies. À quoi bon disposer d'un aujourd'hui s'il ne sert qu'à trouver le temps long jusqu'à demain et trembler pour l'après demain ?

    Et pourtant, on trouve 9 fois le mot heureux dans l'Évangile d'aujourd'hui (Béatitudes). Ça demande explication.

    Jésus a devant lui ces foules de Palestine qui tirent péniblement de la terre leur minimum vital, écrasés par les impôts de l'occupant romain, tous ces petits que la Vierge Marie exalte dans son Magnificat.

    L'argent ne fait pas le bonheur, mais c'est une bonne jument pour lui courir après, que dit le proverbe. En disant heureux les pauvres, Jésus ne dit pas heureux les misérables, mais heureux ceux qui, ayant quelques sous, savent aider plus pauvres qu'eux, sans mépris, qui ont le cœur sensible, aux détiens de l'humanité.

    Heureux les doux, c'est-à-dire être patient, savoir encaisser les échecs, avoir du caractère pour supporter les injures.

    Heureux ceux qui se passionnent pour la justice, c'est-à-dire ceux qui luttent contre le racisme, qui sont fidèles à leur amour, qui n'ont jamais fait pleurer personne, qui ne montent pas sur les épaules des autres pour en faire des marche-pieds, pour devenir une idole de l'opinion.

    Nous, les terriens, nous savons que toute vie comprend son lot d'épreuves, de deuils, d'accidents. De même que pour goûter toutes les saveurs d'une vie, il faut la humer et la déguster, savourons les bonnes heures de la vie entre grands et petits malheurs. Sachons surtout pardonner. Pardonner ça ne veut pas dire oublier, mais la rancune est toujours du côté de la mort, le pardon du côté de la vie. Nous avons la chance d'avoir un pape assez extraordinaire qui, en 2 ans, est devenu l'un des hommes les plus influents de la planète. Il a fait en sorte que dorénavant l'église ne jugera ni ne condamnera les divorcés remariés et les homosexuels.

    Le Président Obama nous dit : "J'adore le pape François, c'est un homme qui est bon. Fidel Castro l'admire. Madonna, 3 fois divorcée voudrait lui dédicacer sa chanson "La vie en rose". Il n'y a pas beaucoup de différence entre le pape et moi, qu'elle dit. Ce pape parle comme un curé de campagne. Les époux, dit-il, peuvent se jeter les assiettes à la figure, c'est la vie. L'important, c'est qu'ils ne finissent pas la journée sans se faire un bisou.

    Enfin, le 1er novembre, c'est le rappel de la communion des saints, c'est-à-dire que par l'Église, je suis uni à tous les hommes et femmes du passé, du présent et de l'avenir. Je ne suis pas seulement relié aux vivants de mon époque, je suis aussi soudé aux hommes de tous les temps qui m'ont précédé. C'est ça qui est magnifique pour un chrétien. Je sais que mes morts ne me quittent pas, c'est moi qui les quitte en les oubliant. Eux sont toujours là à me regarder, à me connaître. Mon grand-père, ma grand-mère que je n'ai connue que dans les 1ères années de ma vie, sont toujours là à me regarder et par l'Église je suis rattaché à eux, aïeul dont je porte quelques gouttes de sang dans les veines, comme mes ancêtres.

    Mais je ne me trouve pas simplement en amitié avec les hommes dont je porte le nom, mais j'ai une amitié spirituelle avec tous ces saints inconnus que nous fêtons aujourd'hui, aussi bien avec la petite Thérèse de l'Enfant Jésus qui m'a révélé l'amour de Dieu ou Saint Augustin, ce grand saint qui m'a appris que dans le péché abondait la miséricorde. Nous ne faisons qu'un arbre immense avec tous ceux du passé.

    Et je suis aussi relié avec tous ceux qui viendront après moi, vos enfants, vos petits-enfants, vos arrière-petits-enfants que vous laisserez sur cette terre. Vous êtes déjà à eux, reliés par l'Église. Voilà la lettre de noblesse du chrétien. Moi, baptisé, j'aime l'Église malgré son arrogance parfois, ses tares, ses défaits, cette Église qui est malmenée dans la croix du calvaire et la résurrection du matin de Pâques. La Toussaint, fête du souvenir, mais surtout fête de notre avenir.

    Abbé Gilbert Perritaz, sermon de la Toussaint

    Humilimont, dimanche 1er novembre 2015"

     

     


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