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Charles-Ferdinand Ramuz - Sur le banc devant la maison
Préface du Livret de famille vaudois.
Texte de CF Ramuz
Viens t'asseoir à côté de moi sur le banc devant la maison, femme, tu en as bien le droit, voici quarante ans que nous sommes ensemble.
Cette fin d'après-midi, alors qu'il fait si beau, c'est aussi le soir de notre vie. Tu as bien mérité,vois-tu, un peu de repos.
Maintenant, les enfants sont placés. Ils sont allés chacun de son côté et nous sommes de nouveau rien que les deux, comme quand nous avons commencé.
Femme, te souviens-tu? Nous n'avions rien pour commencer, tout était à faire. Et nous nous sommes mis à l'ouvrage. Ça n'allait pas tout seul, il nous en a fallu du courage !
Il nous en a fallu de l'amour, et l'amour n'est pas ce qu'on croit au commencement.
Se serrer l'un contre l'autre, s'embrasser, se parler tout doux à l'oreille.
Ça, c'est bon pour le jour de la noce ! Le temps de la vie est grand, mais le jour de la noce ne dure qu'un jour. C'est seulement après, qu'a commencé la vie.
Les enfants viennent; il leur faut quelque chose à manger, des vêtements et des souliers, ça n'a pas de fin. Il est aussi arrivé qu'ils étaient malades, alors tu devais passer toute la nuit à veiller et moi, j'étais à l'ouvrage d'avant le jour jusqu'à la nuit tombée.
Nous croyions être arrivés à quelque chose, puis après, tout était en bas et à recommencer. Des fois, nous étions tout dépités de voir que nous avions beau faire, nous piétinions sur place et même, nous repartions en arrière.
Te souviens-tu, femme, de tous ces soucis ? Mais nous sommes restés fidèles l'un à l'autre, et ainsi, j'ai pu m'appuyer sur toi, et toi la même chose sur moi.
Nous avons eu de la chance d'être ensemble, les deux. On s'est mis à l'ouvrage, nous avons duré et tenu le coup.
Le véritable amour n'est pas pour un jour. C'est toute la vie que nous devons nous aimer, s'aider et se comprendre.
Puis, les affaires sont allées du bon côté, les enfants ont tous bien tourné. Mais aussi, on leur avait appris à partir sur le bon chemin.
Nous avons un petit quelque chose au soleil et dans le bas de laine. C'est pourquoi, cette fin d'après-midi, alors qu'il fait si beau, assieds-toi à côté de moi. On veut pas mparler, nous n'avons plus rien à nous dire.
Nous n'avons besoin que d'être les deux et laisser venir la nuit, bienheureux d'avoir bien rempli notre vie.
(Traduction du texte patois)Dessin : Edmond Rudaux
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Commentaires
3AlainSamedi 16 Décembre 2017 à 15:56Voilà quelque chose... des mots, des pensées qui viennent de l'âme, de notre coin de pays et qui respirent la plénitude de la vie... du bien vivre !
Quel dommage que ce beau poème de notre Charles-Ferdinand national ne figure plus sur les document de mariage de l'état civil... Quel dommage qu'il n'accompagne plus ainsi, la vie des jeunes couples qui commencent ensemble une nouvelle vie...
Merci C.-F. !!!
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Lundi 18 Décembre 2017 à 08:11
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4Marc BergerMardi 6 Août 2019 à 15:25Je veux juste dire que l'original de Ramuz n'est pas écrit en patois. Son style est original et le texte est merveilleux, mais ce n'est pas du patois.
Dommage de n'avoir pas donné le texte original. Merci tout de même, bien sûr !
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Mercredi 7 Août 2019 à 09:10
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Voici un texte, que dis-je un poème qui me trotte très régulièrement dans la tête depuis une quarantaine d'années à la suite de la déclamation de mon ami Jean-Pierre, fan de CF Ramuz. Je trouve ces propos toujours actuels et je ne puis m'empêcher de penser à mes parents défunts au jourd'hui. Ces porpos sont pleins de réalisme et sont encore d'actualité...