• Les Seychelles du Père Léon

    Eglise aux SeychellesOn sort un matin, et je m'approche des taxis. C'est là que je retrouve mon chauffeur de taxi du premier jour.

    • Tu sais où habite le Père Léon ?
    • Oui, bien sûr !
    • Et bien emmène-nous chez le Père Léon !
    • D'accord.

    Après une quinzaine de kilomètres, nous arrivons devant une grande église.

    • C'est là, c'est l'église du Père Léon !
    • Il est là ?
    • Non, non, il habite à la cure, c'est un peu plus loin !
    • Dépose-nous chez lui, et tu viendras nous rechercher, on t'appellera!
    • D'accord.

    Le Père Léon était là, avec sa bure brune, son cordon à la taille et ses sandales, une longue barbe fleurie. Mais il n'était pas seul. Il y avait une vingtaine de personnes, la majorité de jeunes filles, qui vivaient là, au service de l'église et du Père Léon.

    • Salut Père Léon !
    • Hello, who are you ?
    • Mais, tu ne me reconnais pas ?
    • No, no ...
    • Je suis Francis, un Mauron de Villaraboud, fils de François !
    • Ah ! Ah ! Francis ! Mais bien sûr !

    Ils nous a invités à rentrer et à s'assoir. J'ai dit :

    • Alors ça va cet apostolat ?
    • Oui, oui, ça va, des fois c'est difficile !
    • Non mais, attends, tu as vu ce qu'il y a autour de toi ? Ça ne m'a pas l'air trop difficile à convertir, ces païens.
    • Il faut leur apprendre, Jésus, le nouveau testament, tout cela.

    Il faut dire que les franciscains aimaient bien se démarquer de l'Église Catholique avec laquelle ils avaient parfois des divergences d'opinion.

    • Tu catéchises alors ?
    • Oui, tous les matins, je donne des leçons, spécialement sur le Nouveau Testament.
    • Et ils comprennent ?
    • Oui, oui, ils sont intelligents, illettrés mais intelligents, ils comprennent bien !
    • C'est quoi cette église ?
    • C'est moi qui l'ai construite !
    • C'est pour ça que tu étais venu faire l'aumône, à Villaraboud et dans les paroisses environnantes ?
    • Oui, bien sûr !

    Elle était belle son église, genre un peu néogothique, avec son beau clocher, un peu bon enfant, mais jolie !

    • Dis-moi Père Léon, quand tu es venu avec ton film de lions et de tigres, et ta forêt vierge, tu nous en as raconté ? Il y en a des bêtes sauvages ?
    • Oui, on peut aller faire un tour.

    C'était une forêt gentillette, sans danger pour l'hom­me. Je n'y ai même pas vu une fourmi.

    • Tu nous en as raconté de bien belles ?
    • Mais oui, tu vois, il fallait bien trouver l'argent !
    • ...

    Nous avons dormi à la cure du Père Léon. Le lendemain, nous l'avons quitté.

    Fin des vacances, retour en Suisse. Je me souviens encore de l'escale entre Nairobi et Paris. L'avion était bien rempli et Élisabeth et moi n'étions pas assis l'un à côté de l'autre. Sur un banc de trois, j'avais la place du milieu. Côté hublot, une matrone noire d'au moins cent vingt kilos et à droite une autre femme noire, un peu plus légère, mais quand même, nonante kilos. Moi au milieu, heureusement que j'étais mince, ça dure quand même sept heures, Nairobi Paris. Personne ne disait rien, on a mangé, j'ai bu quelques whisky. Après deux ou trois heures, la dame du hublot s'est endormie et sa tête est tombée sur mon épaule, elle se cramponnait à moi. J'ai tenté de la remettre à sa place, délicatement, peine perdue, elle est restée endormie durant une heure puis elle s'est réveillée et m'a regardé avec ses grands yeux noirs, l'air à peine gêné.

    Quant au Père Léon, après trente ans d'apostolat, après de bons et loyaux services, sa hiérarchie lui demanda de rentrer au pays pour vivre une vieillesse heureuse.

    Mais, le père Léon refusa, comme je le comprends.


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