• graces

    Sois bénie femme ô femme
    femme transfigurée
    corps absolu
    chair votive

    Que soit bénie ta fièvre et béni le silence
    où ton geste pieux
    sème sur notre couche
    des gerbes de clartés . .

    Ton nom soit béni femme béni ce flanc
    plus peuplé que l'enfer et le ciel accordés
    car il est un autel
    il est temple d'hier et temple de demain
    et je vois tous les temps s'y perdre d'allégresse
    quand j'aime et que tes flancs
    ruissellent de bonheur

    Sois bénie femme ô femme
    femme transfigurée
    corps absolu
    chair votive

    Et l'antre soit béni où ma lèvre gourmande
    fait monter de ta vie la houle des eaux lourdes
    l'âcreté capiteuse d'étranges parfums
    et ce long cri de bête
    et ce râle ébloui

    Sois bénie femme ô femme
    femme transfigurée
    corps absolu
    chair votive

    Et l'antre soit béni où mon corps ébranlé
    s'entête de plaisir au faîte de l'extase
    que l'antre soit béni où nos chairs confondues
    conspirent ce vertige nôtre
    zébré de spasmes fous complotant la brimbale qui
    nous brisera femme ô femme transfigurée

    Quand je devrai
    au port d'un vieil âge éreinté
    larguer les voiles pour ailleurs
    femmes la couche humide où nous nous accueillîmes
    encor tout imprégnée du parfum de vos nuits
    qu'elle soit mon linceul
    comme elle fut berceau de mes heures joyeuses

    Sois bénie femme ô femme
    femme transfigurée
    corps absolu
    chair votive

    Alix RENAUD - Octobre 1978 - Québec français 


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  • Nicolson

    Je la pris près de la rivière
    Car je la croyais sans mari
    Tandis qu'elle était adultère
    Ce fut la Saint-Jacques la nuit
    Par rendez-vous et compromis
    Quand s'éteignirent les lumières
    Et s'allumèrent les cri-cri
    Au coin des dernières enceintes
    Je touchai ses seins endormis
    Sa poitrine pour moi s'ouvrit
    Comme des branches de jacinthes
    Et dans mes oreilles l'empois
    De ses jupes amidonnées
    Crissait comme soie arrachée
    Par douze couteaux à la fois
    Les cimes d'arbres sans lumière
    Grandissaient au bord du chemin
    Et tout un horizon de chiens
    Aboyait loin de la rivière

    Quand nous avons franchi les ronces
    Les épines et les ajoncs
    Sous elle son chignon s'enfonce
    Et fait un trou dans le limon
    Quand ma cravate fût ôtée
    Elle retira son jupon
    Puis quand j'ôtai mon ceinturon
    Quatre corsages d'affilée
    Ni le nard ni les escargots
    N'eurent jamais la peau si fine
    Ni sous la lune les cristaux
    N'ont de lueur plus cristalline
    Ses cuisses s'enfuyaient sous moi
    Comme des truites effrayées
    L'une moitié toute embrasée
    L'autre moitié pleine de froid
    Cette nuit me vit galoper
    De ma plus belle chevauchée
    Sur une pouliche nacrée
    Sans bride et sans étriers

    Je suis homme et ne peux redire
    Les choses qu'elle me disait
    Le clair entendement m'inspire
    De me montrer fort circonspect
    Sale de baisers et de sable
    Du bord de l'eau je la sortis
    Les iris balançaient leur sabre
    Contre les brises de la nuit
    Pour agir en pleine droiture
    Comme fait un loyal gitan
    Je lui fis don en la quittant
    D'un beau grand panier à couture
    Mais sans vouloir en être épris
    Parce qu'elle était adultère
    Et se prétendait sans mari
    Quand nous allions vers la rivière

    Traduction Jean Prévost Extrait de "El Romancero Gitano" 

    La casada infiel

    Y yo que me la lleve al río
    creyendo que era mozuela,
    pero tenía marido.
    Fue la noche de Santiago
    y casi por compromiso.
    Se apagaron los faroles
    y se encendieron los grillos.
    En las últimas esquinas
    toque sus pechos dormidos,
    y se me abrieron de pronto
    como ramos de jacintos.
    El almidón de su enagua
    me sonaba en el oído
    como una pieza de seda
    rasgada por diez cuchillos.
    Sin luz de plata en sus copas
    los árboles han crecido
    y un horizonte de perros
    ladra muy lejos del río.

    Pasadas las zarzamoras,
    los juncos y los espinos,
    bajo su mata de pelo
    hice un hoyo sobre el limo.
    Yo me quité la corbata.
    Ella se quito el vestido.
    Yo, el cinturón con revólver.
    Ella, sus cuatro corpiños.
    Ni nardos ni caracolas
    tienen el cutis tan fino,
    ni los cristales con luna
    relumbran con ese brillo.
    Sus muslos se me escapaban
    como peces sorprendidos,
    la mitad llenos de lumbre,
    la mitad llenos de frío.
    Aquella noche corrí
    el mejor de los caminos,
    montado en potra de nácar
    sin bridas y sin estribos.

    No quiero decir, por hombre,
    las cosas que ella me dijo.
    La luz del entendimiento
    me hace ser muy comedido.
    Sucia de besos y arena,
    yo me la llevé del río.
    Con el aire se batían
    las espadas de los lirios.
    Me porté como quien soy.
    Como un gitano legítimo.
    Le regalé un costurero
    grande, de raso pajizo,
    y no quise enamorarme
    porque teniendo marido
    me dijo que era mozuela
    cuando la llevaba al río. 

    The Faithless Wife

    So I took her to the river
    believing she was a maiden,
    but she already had a husband.
    It was on St. James night
    and almost as if I was obliged to.
    The lanterns went out
    and the crickets lighted up.
    In the farthest street corners
    I touched her sleeping breasts
    and they opened to me suddenly
    like spikes of hyacinth.
    The starch of her petticoat
    sounded in my ears
    like a piece of silk
    rent by ten knives.
    Without silver light on their foliage
    the trees had grown larger
    and a horizon of dogs
    barked very far from the river.

    Past the blackberries,
    the reeds and the hawthorne
    underneath her cluster of hair
    I made a hollow in the earth
    I took off my tie,
    she too off her dress.
    I, my belt with the revolver,
    She, her four bodices.
    Nor nard nor mother-o'-pearl
    have skin so fine,
    nor does glass with silver
    shine with such brilliance.
    Her thighs slipped away from me
    like startled fish,
    half full of fire,
    half full of cold.
    That night I ran
    on the best of roads
    mounted on a nacre mare
    without bridle stirrups.

    As a man, I won't repeat
    the things she said to me.
    The light of understanding
    has made me more discreet.
    Smeared with sand and kisses
    I took her away from the river.
    The swords of the lilies
    battled with the air.
    I behaved like what I am,
    like a proper gypsy.
    I gave her a large sewing basket,
    of straw-colored satin,
    but I did not fall in love
    for although she had a husband
    she told me she was a maiden
    when I took her to the river.


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  • George et Alfred

    Je suis très émue de vous dire que j'ai
    bien compris l'autre soir que vous aviez
    toujours une envie folle de me faire
    danser. Je garde le souvenir de votre
    baiser et je voudrais bien que ce soit
    là une preuve que je puisse être aimée
    par vous. Je suis prête à vous montrer mon
    affection toute désintéressée et sans cal-
    cul, et si vous voulez me voir aussi
    vous dévoiler sans artifice mon âme
    toute nue, venez me faire une visite.
    Nous causerons en amis, franchement.
    Je vous prouverai que je suis la femme
    sincère, capable de vous offrir l'affection
    la plus profonde comme la plus étroite
    en amitié, en un mot la meilleure preuve
    dont vous puissiez rêver, puisque votre
    âme est libre. Pensez que la solitude où j'ha-
    bite est bien longue, bien dure et souvent
    difficile. Ainsi en y songeant j'ai l'âme
    grosse. Accourrez donc vite et venez me la
    faire oublier par l'amour où je veux me
    mettre.

    La réponse de de Musset

    Quand je mets à vos pieds un éternel hommage
    Voulez-vous qu'un instant je change de visage ?
    Vous avez capturé les sentiments d'un cœur
    Que pour vous adorer forma le Créateur.
    Je vous chéris, amour, et ma plume en délire
    Couche sur le papier ce que je n'ose dire.
    Avec soin, de mes vers lisez les premiers mots
    Vous saurez quel remède apporter à mes maux.

    La réponse de Sand

    Cette insigne faveur que votre cour réclame
    Nuit à ma renommée et répugne mon âme.
     
    pst : la lettre de George se lit une phrase sur deux
    ppsstt : pour les réponses, seulement le premier mot

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  • kamasutra

    Aimons, foutons, ce sont plaisirs
    Qu’il ne faut pas que l’on sépare;
    La jouissance et les désirs
    Sont ce que l’âme a de plus rare.
    D’un vit, d’un con et de deux cœurs,
    Naît un accord plein de douceurs,
    Que les dévots blâment sans cause.
    Amarillis, pensez-y bien :
    Aimer sans foutre est peu de chose
    Foutre sans aimer ce n’est rien.

    Jean de la La Fontaine


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  • Je ne revois plus le visage ni le corps de celle que je tenais contre moi, dans le Nord-Sud, vers St Lazare. Je sais seulement que dans cette foule compacte où les balancements du train penchaient d'un coup toute la masse oscillante des voyageurs elle se laissait faire comme privée de raisons et de sentiments.
    Comme si nous avions été dans un désert véritable, où même la présence d'un homme eut été pour elle si surprenante et si terrifiante que l'idée ne lui serait pas venue de bouger ou de résister un instant. J'étais donc contre elle, par-derrière collé, et mon haleine faisait remuer légèrement les cheveux de sa nuque.
    Mes jambes épousaient la courbe des siennes, mes mains avaient longuement caressé ses cuisses, elle n'avait pas retiré sa main gauche quand je l'avais un instant furtivement serrée. Je sentais contre moi la douce pression de ses fesses à travers une étoffe très mince et glissante, dont les plis occasionnels même m'intéressaient. Je maintenais avec mes genoux
    un contact étroit. Je les fléchissait un peu, afin que ma queue bridée par le pantalon trouvât, pendant qu'elle grandissait encore, un lit entre ses fesses que la peur contractait, un lit vertical où les secousses du train suffisaient à me branler. Je voyais mal le visage de cette femme, par côté.
    Je n'y lisais que la peur. Mais quelle peur? Du scandale, ou de ce qui allait arriver? Elle mordait sa lèvre inférieure. Soudain, j'eus un désir irrépressible de contrôle. Je voulus connaître la pensée de cette femme, je glissais ma main droite entre ses cuisses. Merveille du poil deviné sous l'étoffe, étonnement du cul pressé. Cette femme était donc en pierre? Je ne connais rien d'aussi beau, rien qui me donne le sentiment à un pareil point, que la vulve quand on l'atteint par derrière. Mes doigts ne pouvaient s'y méprendre. Je sentais les lèvres gonflées, et soudain la femme comme pour se raffermir sur ses pieds écarta les cuisses. Je sentis les lèvres céder, s'ouvrir. Elle mouillait tant que cela traversait la robe.
    Les fesses trois ou quatre fois montèrent et descendirent le long de ma pine. Je pensais tout à coup au gens alentour. Personne, non personne dans cette presse ne prêtait attention à nous. Visage gris et ennuyés. Posture d'attente. Mes yeux tombèrent dans des yeux qui regardaient, qui nous regardaient. Ils allaient d'elle à moi, ces yeux battus par la vie, ces yeux soulignés plus encore par la fatigue des longs jours que par le fard, ces yeux pleins d'histoires inconnues, ces yeux qui aimaient encore pour un peu de temps l'amour. C'étaient les yeux d'une femme assise assez loin, et séparée de nous par un peuple aveugle, d'une femme qui de si bas ne pouvait deviner le manège, ne pouvait que voir nos têtes ballottées par
    la marche du train et l'incontrôlable du plaisir prochain.
    Ils ne nous lâchaient pas, ces yeux, et j'éprouvais soudain une sorte de nécessité de leur répondre.
    C'étaient des yeux immenses, tristes, et comme sans repos. Savent-ils? Ils battaient un peu pour me répondre. Ils se tournaient vers ma voisine que je sentais profondément frémir. Ils n'interrogeaient pas. Ils savaient sans doute. Les mouvements de la femme devinrent plus rapides, avec ce caractère étrangement limité que donne la crainte de se trahir. Je vis brusquement se dilater les prunelles qui me fixaient, comme si un gouffre s'était ouvert sous la banquette. Les yeux venaient de saisir sur la face de la femme que je serrais le premier spasme de la jouissance.
    Je ne sus qu'après eux ce qui venait de se produire, et c'est en même temps que la femme assise que je partis, et je me demande quel air dut être le mien alors, quand celle-ci cacha brusquement dans ses mains ses yeux déchirés de jouir. Un temps infini s'écoula jusqu'à la station suivante comme un grand silence immobile et je ne pensais plus à rien. Entrée en gare, les lumières extérieures, la courbe du quai, les reflets sur les briques blanches, un remous violent à l'ouverture des portes jeta dehors la femme dont je n'avais pas vu les yeux; tandis que l'assaut des nouveaux voyageurs étendait un voile entre moi et les yeux que je ne voyais plus. Je restais seul, sans connaître le vrai de cette histoire sans intrigue, où tout est pour moi dramatique comme la fuite inquiétante de l'été. 


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