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Tiré du livre "Le dernier chantier"
biographie de Francis MauronCela se passait à la Guglera, un institut pour jeunes gens et jeunes filles de bonne famille du Canton de Fribourg, dans les années septante.
Le reste de l'année, après le premier mois, nous avions l'obligation de parler la langue que nous étions venus apprendre tous les jours de la semaine, sauf le dimanche. Pour celui qui dérogeait à cette règle, un système machiavélique avait été mis au point par les frangines, c'est le système des médailles.
Celui qui était pris en flagrant délit de parler sa langue, dénoncé par un de ses camarades, la délation allait bon train, celui-là recevait une médaille et la gardait dans sa poche. Chaque jour à midi, celui qui avait une ou plusieurs médailles dans ses poches devait payer vingt centimes par médaille. Trente à quarante médailles circulaient ainsi. Quand nous, les romands avions hérité d'une médaille, nous tentions de la refiler à un suisse allemand et eux, bien sûr agissaient de même.
- Oh ... Du hast deutsch gesprochen ! Paf ! Une médaille dans sa poche.
- Ach ... Tu as parlé le français ! Paf ! Eine Medaille in meiner Tasche !
Ça se passait durant la promenade. C'était assez cruel comme système, surtout venant de gens de Dieu qui incitaient ainsi de jeunes personnes à la délation ... On peut aussi voir cela comme un jeu. Si tu gardais la médaille durant plusieurs jours dans ta poche, tu payais chaque jour vingt centimes.
Il y avait en ce temps-là à La Guglera un suisse allemand qui se nommait Stöckli, une espèce d'angelot en pantalon golf, petit de taille, gentil, issu d'une famille riche de Zoug. Il n'arrivait pas à refiler ses médailles et il se faisait prendre sans cesse à parler allemand. De plus, il avait un problème d'énurésie. Il vivait dans mon dortoir, numéro quatorze où nous étions sept. Durant la nuit, les bonnes soeurs se faufilaient dans la chambre, silencieusement, changeaient le linge de son lit et repartaient. Nous l'aimions bien, c'était un bon type. Il avait toujours cinq ou six médailles sur lui ce qui fait qu'il a dû payer, durant les trois mois de son séjour, moins le premier mois, une assez coquette somme à l'Institut. Il se faisait massacrer, pauvre garçon.
Finalement, il a dû parler du procédé à ses parents, puisqu'il n'est plus revenu.
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Tu es beau, tu es frais
Quand tu sors de la nuit,
Sur l’alpage
Hors du gouffre obscur
Tu vas sauter le mur
Te voilà, mon joli,
Dans l’azur !
C’est le jeun’ printemps
Un p’tit vent frivolant.
Allons les enfants
A l’ouvrage !
Salut ! Soleil neuf!
Comme l’œil, comme l’œuf
Tu es frais, tu me plais
Jean Rosset !
O roi des étés,
Tu répands ta clarté
Bravement jusqu’au soir
Sur la vigne
Toujours plus ardent
Tu mords à pleine dents
Dans la chair du terroir
Belle à voir
Au coup de midi,
Parfois l’on te maudit.
Au travail, pardi
L’on rechigne !
Mais toi si l’on dort,
Tu poursuis ton effort
Le secret du succès ;
Jean Rosset
Quel que soit ton nom,
Phœbus, Jean bourguignon,
Tu es, fier compagnon,
Un dieu mâle !
Ces pauvres Germains
T’ont mis au féminin,
Comprendrons jamais rien
C’est certain !
Il est vrai, grand fou,
Qu’ils ne t’ont pas beaucoup,
Tu es mieux chez nous,
Mon étoile !
Soleil de Paris,
De Lavaux, du Midi;
Mon ami guilleret,
Jean Rosset !
Quand l’automne vient,
Tout est mûr, tout est bien :
C’est le temps virgilien
Des vendanges.
Tu mets ton habit,
Ton gilet cramoisi,
Ton manteau de Paris
Tout fleuri.
Dans le ciel plus lourd
D’un pathétique amour,
C’est ton dernier tour.
Puis tout chang ;
Le soir qui descend
Va délivrer le vent.
C’est mauvais, tu le sais;
Jean Rosset
L’hiver dépouillé,
Le grand ciel est mouillé
Et le gel fait craquer
Les vieux arbres.
Phœbus n’est pas bien,
Ce froid ne lui vaut rien;
Son pauvre œil le matin
Est éteint
Parfois même, il fuit
Longue serait la nit;
Plus lourd notre ennui
Que le marbre,
Si le vin nouveau
N’avait gardé bien chaud
Ta vigueur, ton reflet,
Jean Rosset !Jean Villard Gilles
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